Les gènes jouent un rôle clé dans la résistance aux virus

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Les gènes jouent un rôle clé dans la résistance aux virus
Les gènes jouent un rôle clé dans la résistance aux virus
Anonim

L'immunologiste français Jean-Laurent Casanova a commencé des recherches sur le rôle de la variation génétique dans la sensibilité aux coronavirus. Pourquoi le virus peut-il être mortel pour certains, mais en même temps ne provoquer aucun symptôme chez d'autres ?

L'épidémie de Covid-19 a fait plus de 128 000 morts dans le monde, mais son impact se manifeste de manières complètement différentes selon les personnes: le pathogène peut être mortel pour certains, mais en même temps il ne provoque aucun symptôme chez d'autres.. La prédisposition génétique joue un rôle clé dans la résistance aux maladies infectieuses. C'est dans ce domaine que le pédiatre et immunologiste Jean-Laurent Casanova, qui dirige avec Laurent Abel le laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses à Paris et à New York, mène des recherches. Le 23 mars, le professeur Casanova a rejoint le conseil scientifique sur le Covid-19.

Le Monde: Quant aux personnes qui ne sont pas à risque de Covid-19, pourquoi certaines restent-elles indemnes, alors que d'autres présentent des symptômes sévères voire la mort ?

Jean-Laurent Casanova: Depuis une vingtaine d'années, nous adhérons à l'hypothèse que toutes les maladies infectieuses sont associées à un facteur génétique. La théorie de l'existence d'une base génétique pour les maladies infectieuses a été confirmée par des études de génétique classique de 1905 à 1945. La question de la structure moléculaire d'une telle prédisposition restait ouverte. Depuis 1985 et surtout 1996, nous et d'autres équipes avons identifié de nombreuses modifications génétiques pouvant expliquer une prédisposition aux infections graves, notamment l'encéphalite herpétique et les formes sévères de tuberculose et de grippe.

En cas d'infection par le SRAS-CoV-2, il existe de rares cas de formes sévères, y compris mortelles, chez les enfants, les adolescents et les adultes relativement jeunes. Autrement dit, nous ne parlons pas de deux principaux facteurs de risque: l'âge adulte et les maladies chroniques. Ces cas inexpliqués indiquent l'existence de facteurs génétiques qui influencent la réponse au virus.

Quelle est votre recherche ?

- L'hypothèse est que des patients relativement jeunes peuvent avoir une prédisposition génétique qui ne se manifeste d'aucune façon jusqu'au premier contact avec le virus, mais conduit ensuite à une forme sévère de la maladie jusqu'à ce que le patient entre en réanimation. Selon cette hypothèse, au moment du contact avec une infection, votre phénotype apparaît, la vulnérabilité existant dans vos gènes à celui-ci. Par conséquent, notre objectif est d'identifier les variations du génome qui peuvent expliquer la survenue de formes sévères.

Au cours des 25 dernières années, plusieurs équipes de scientifiques ont identifié des variations génétiques qui conduisent à une vulnérabilité sélective à certaines maladies infectieuses chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes. Dans le passé, on ne parlait pas de variation génétique, mais de mutations, c'est-à-dire de petites différences dans le génome qui déterminent l'unicité de chaque personne.

Plus précisément, un test sanguin est effectué pour extraire l'ADN et analyser le génome. Les génomes des patients sont examinés à la fois individuellement et collectivement pour trouver des variations génétiques qui peuvent être communes à plusieurs patients. La recherche est dirigée par le consortium international Covid Human Genetic Effort.

Combien de patients avez-vous attiré ?

- Nous recrutons des patients de moins de 50 ans sans maladie chronique qui ont été admis en réanimation. Cette recherche a commencé en Chine puis s'est poursuivie en Iran et en Europe du Sud. Maintenant, il est mené partout dans le monde. Certains patients sont décédés en réanimation, d'autres ont survécu. La plupart sont des hommes. A ce jour, nous avons recruté une vingtaine de patients à New York et une quarantaine à Paris. Tout d'abord, nous recherchons des formes apparentées: frères et sœurs, parents et enfants, cousins … Nous espérons attirer au moins 500 personnes, de préférence environ 2 000, ce qui nous permettrait d'identifier plus facilement les variations existant dans les patients.

En principe, nos recherches peuvent être menées sur la base d'un patient, d'un génome. Cela peut suffire à comprendre la base génétique d'une maladie grave. Cependant, si vous trouvez une mutation du gène A chez une seule personne du 15e arrondissement de Paris, il sera difficile de prouver qu'elle est coupable de quelque chose. Si une telle mutation est révélée chez trois autres patients de Colombie, d'Australie et de Californie, il sera plus facile de déterminer sa responsabilité.

De nombreux experts pensent que le virus peut pénétrer dans les cellules humaines via le récepteur ACE2, qui se manifeste différemment chez les personnes de moins de 50 ans. Êtes-vous d'accord avec cette hypothèse?

- Cela ne me semble pas une priorité. Tout d'abord, nous effectuons une analyse complète du génome, testons des hypothèses génétiques et non immunologiques, du moins dans un premier temps.

Nous ne testons pas actuellement de récepteurs, bien que cela ne signifie pas que les données physiologiques, pathologiques, immunologiques et virologiques ne jouent pas de rôle. Tout cela sera considéré dans la deuxième phase après l'analyse génétique et en complément de celle-ci.

Chez les adultes plus jeunes, le développement d'une forme sévère survient avec un retard. On parle d'une « deuxième vague » et d'une réaction aiguë du système immunitaire, pouvant conduire à un choc fatal. Qu'est-ce que tu en penses?

- Je pense que l'analyse génétique peut éclairer cette question. Contrairement à un dosage immunologique, l'infection n'affecte pas ses résultats. La réponse immunologique observée au cours d'une infection ou d'une maladie peut être une cause ou une conséquence d'une infection virale. Il est impossible de dire quelque chose de précis. L'analyse génétique aidera à établir les causes.

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